Bourse de fin de rédaction 2018

Caroline Moisan
Candidate au doctorat en psychologie
L’ambivalence comme facteur associé aux grossesses à l’adolescence chez les Inuits du Nunavik.
Résumé du projet:
Les grossesses à l’adolescence entrainent de nombreuses conséquences sociales et de santé en population générale (1). La mère adolescente présente un risque plus élevé de vivre des complications pré et postnatales et son enfant est plus à risque d’être victime de mortalité durant l’enfance et d’abandonner l’école à long terme (Azevedo, Diniz, Fonseca, Azevedo, & Evangelista, 2015; Jeha, Usta, Ghulmiyyah, & Nassar, 2015). Bien qu’on observe une baisse des taux de grossesses à l’adolescence dans les dernières décennies au Nunavik (région nordique du Québec), celles-ci sont toujours considérées comme un enjeu de santé publique puisque près d’une adolescente sur trois vit une grossesse entre 14 et 19 ans (Duhaime, Caron et al. 2015). Malgré ce taux élevé et les conséquences associées, aucune étude n’a documenté les facteurs associés à la survenue d’une grossesse à l’adolescence chez les Inuit. À visée exploratoire, cette thèse se penche sur des facteurs de risque individuels de type sociodémographique, comportemental, et de santé mentale, bien documentés en population générale, tels que le niveau d’éducation, la consommation de substances et la dépression. Elle vise également un facteur socioculturel susceptible de contribuer à la survenue des grossesses à l’adolescence chez les Inuit, soit les bénéfices perçus d’une grossesse. L’étude d’Archibald (2004) met d’ailleurs en lumière l’importance de considérer les spécificités de la culture inuite dans l’étude des grossesses à l’adolescence, notamment la place et le rôle accordés à la mère et l’enfant et l’approbation sociale de la grossesse (Bombay, Matheson et al. 2011, Duhaime, Caron et al. 2015, Hackett, Feeny et al. 2016). Cette même étude, menée au Nunavik et au Nunavut, relate aussi que l’attitude indifférente des adolescents vis-à-vis de la grossesse contribue à la survenue d’une grossesse dans cette population. L’importance de mieux comprendre les attitudes vis-à-vis de la grossesse a été soulignée par plusieurs études en population générale (Broekner and Hillard 2009; Jaccard, Dodge, and Dittus 2003; Miller, Barber, and Gatny 2013; Rosengard et al. 2004). L’ambivalence s’avère être une attitude centrale dans l’étude de la grossesse à l’adolescence puisqu’elle a été associée à maintes reprises à l’irrégularité d’utilisation de contraceptifs (Miller, Barber et al. 2013, Moreau, Hall et al. 2013) et à la survenue d’une grossesse (Jaccard, Dodge, & Dittus, 2003a; Miller et al., 2013; Rosengard et al., 2004). Dans le cadre d’une étude longitudinale réalisée aux États-Unis, les participantes de 3e, 4e et 5e secondaire présentant de l’ambivalence face à la grossesse ont rapporté entre 3% et 10% plus de grossesses dans les douze mois suivants l’étude comparativement aux jeunes filles ayant une attitude défavorable (Jaccard et al., 2003). Non seulement l’ambivalence est associée à une augmentation du risque de grossesse, mais cette attitude est particulièrement fréquente chez les jeunes adultes : 45% des jeunes hommes et femmes américains âgés entre 18 et 29 ans sont ambivalents face à la grossesse (Higgins et al. 2012). Malgré sa pertinence dans le domaine de la santé reproductive chez les adolescents, l’ambivalence face à la grossesse n’a jamais été étudiée dans la population inuite jusqu’à maintenant. Cette thèse vise donc à documenter les attitudes face à la grossesse chez les jeunes femmes inuites âgées de 16 à 20 ans du Nunavik, principalement l’ambivalence telle qu’attendue chez les jeunes de cet âge, en parallèle aux facteurs socioculturels et ceux rapportés en population générale associés à la grossesse à l’adolescence.
(1) Dans le cadre de la thèse, le terme « générale » renvoie à la culture occidentale nord-américaine et européenne, majoritairement non-autochtone.